Pourquoi G. Attal remet-il en selle les classes de niveau ? L’annonce semble irraisonnée si l’on se fie aux recherches des sociologues de l’éducation. Elle l’est moins si l’on prend en compte celles des économistes de l’éducation. Et surtout si l’on suit le calendrier politique marqué par la publication de Pisa le 5 décembre. Face à la panne de la politique éducative du gouvernement, Pap Ndiaye préconisait la mixité sociale. Attal fait le choix contraire. Le choix d’Attal marque bien une nouvelle politique éducative.
J’ai fait quelques années en tant qu’enseignant du secondaire, et la problématique des niveaux hétérogènes dans une classe est selon moi l’un des axes majeurs source de difficultés pour un enseignant.
En effet, la politique actuelle de la classe unique part de bons sentiments, mais ne fonctionne pas en pratique. On se retrouve à devoir gérer grosso-modo 4 ou 5 niveaux d’élèves dans une même salle, ce qui est une charge importante de travail en amont supplémentaire (idéalement, pour gérer cela il faut préparer des jeux d’activités et d’exercices adaptés à chaque groupement de niveaux), et un exercice de tenue de classe très complexe.
Malgré cela, il me semble mal adapté de vouloir résoudre ceci purement en répartissant ces élèves en 4 ou 5 classes différentes, car cela provoquerait des sentiments d’exclusion et de jalousie, et priverait l’opportunité d’émulation positive entre élèves ou de tutorat. L’école est aussi un lieu de sociabilisation, et cloisonner les niveaux ne fera que renforcer la ségrégation sociale.
Il n’y a pas de solution simple, et je ne prétends pas être capable de proposer une solution meilleure que celle des autres. Mon ressenti de terrain est que l’éducation nationale manque de flexibilité sur les méthodes à appliquer, de support pour accompagner les enseignants dans leurs difficultés propres, et charge les enseignants avec trop de missions sans qu’ils en ait les compétences ou l’autorité.
Je verrai bien un système avec des parties en commun avec tous les élèves d’un même niveau, et d’autres parties en groupes de travail plus homogènes, plus de modularité sur le planning des élèves pour laisser la place à de l’accompagnement personnalisé.
Malheureusement, ce qui se passera sera probablement comme ce qu’il y a d’habitude, c’est à dire de beaux discours plus ou moins basés sur des publications pédagogiques, puis une éducation nationale aux abonnés absents pour le support en méthodes et en ressources lorsqu’il s’agira de mettre en application les textes officiels.
cela provoquerait des sentiments d’exclusion et de jalousie, et priverait l’opportunité d’émulation positive entre élèves ,
Pour moi c’est le fait que tout le monde en France semble penser comme ça le vrai problème. On veut que tout le monde soit académiquement bon voir excellent, on réserve le respect à cette catégorie d’élève. Clairement les voies non académiques sont preçues comme des voies de garages pour ‘ratés’.
Mais c’est complètement absurde. Si il y a un socle commun de compétences nécessaires, ce socle n’est pas l’entièreté des compétences et savoir qu’on peut acquérir au bac. Il faut accepter que certaines personnes ne sont pas faites, par capacité et/ou envie, pour ce type très particulier de savoirs et d’études. Comme on ne veut pas le voir, on diminue le niveau du bac pour que tout le monde l’ait… Du coup on force plein de gens qui seraient beaucoup plus épanouis dans d’autres disciplines à suivre des études de type universitaires, comme ils y arrivent pas bien on baisse le niveau des diplomes, diplomes qui ne valent plus rien de toutes façon. Tout le monde est perdant.
Je trouve que des classes de niveau c’est une très bonne idées, pour adapter au mieux les objectifs aux envie/capacités des élèves, mais qu’il faut en parallèle revaloriser des filiaires non académique. En Suisse par exemple, il n’y a rien de honteux,à juste titre, à ne pas suivre une filière d’études universitaires pour se focaliser sur un apprentissage concret… Et d’ailleurs avec l’avancé de l’IA on est en droit de se demander si il ne vaut pas mieux devenir artisan que docteur en je ne sais quelle spécialité obscure.
Je pense en effet que l’on a un réel manque d’activités réellement pratiques, qui donnent l’impression que l’artisanat et la technique sont des compétences inférieures.
Pourtant, beaucoup d’élèves s’épanouirraient dans ces domaines, et certains profils plus intellectuels gagneraient à mettre un peu la main dans le cambouis.
Si les élèves étaient par groupe de niveau par matière (donc pas de classe, mais un brassage d’élèves par disciplines), faire des groupes de niveaux seraient moins stigmatisant : un élève pourrait être fort dans une matière, faible dans une autre et moyen dans une troisième.
Classes de niveau ou pas, il y a un vrai problème en France. Le niveau baisse depuis plusieurs dizaines d’années. Les élèves issus de milieux peu favorisés ne s’en sortent pas, et les élèves qui arrivent avec un bagage important s’ennuient à mourir.
En ce qui me concerne, je pense qu’on n’est pas assez exigeants avec les élèves. On a tendance à confondre bienveillance (qui est une bonne chose et un grand progrès de ces dernières décennies), et absence d’exigence, notamment pour ceux qui s’en sortent bien. Après, il y a bien évidemment un problème de moyens, mais c’est plus difficile à régler. Et puis, certains pays moins riches que nous s’en sortent honorablement, ce qui montre que ce n’est pas une fatalité.
annonce de G Attal est populiste. Mais est-ce son choix ? Face au même problème d’inégalités scolaires, Pap Ndiaye avait choisi une autre voie : celle de la mixité sociale. C’est elle qui permet le brassage des élèves et, au final, de faire progresser les plus faibles sans nuire aux plus forts
En fait, on ne peut pas faire le choix de la mixité sociale comme ça, sans régler les problèmes que je mentionne, parce que si l’éducation nationale ne crée pas de groupes de niveaux, les parents s’en chargent en jouant avec la carte scolaire et en mettant leurs enfants dans le privé. C’est facile de leur jeter la pierre, mais on ferait mieux de reconnaître que mettre un enfant favorisé dans une classe qui a deux ans de retard par rapport à lui, ce n’est pas lui faire un cadeau. Je suis pour la mixité sociale, mais se cacher les yeux n’aide pas à la faire progresser.
Et pour se faire encore plus de mal, on peut dévorer l’excellent Le talent est une fiction de la neuroscientifique Samah Karaki. On trouve en ligne pas mal de vidéos d’elle, où elle démontre par le menu que la réussite (surtout scolaire) repose principalement sur des facteurs sociaux, sociétaux et très rarement individuels.
Bienvenue !